dimanche 3 février 2008

Les Maquisarts

Au cours de l'été 1943, nous avons trouvé dans le bois, accroché aux branches d'un arbre, un morceau de ballon de couleur blanche, en caoutchouc ou d'une matière similaire. Ce ballon était prolongé d'un tuyau brûlé à son extrèmité. Nous en avions déduit qu'un avion Anglais, avait envoyé quelque chose au dessus de la forêt. Ce qui nous laissait à penser qu'un maquis pouvait bien s'y trouver. Nous n'avons bien sûr rien dit à personne, et mis cet objet dans le grenier. Cela nous intriguait beaucoup, tout en nous donnant beaucoup d'espoir en même temps. Aussi, nous nous promenions souvent dans ce bois, en regardant un peu partout, pour essayer de découvrir ce maquis tant souhaité.
Un après midi de septembre, nous avons aperçu de la fumée s'élever d'un endroit assez touffu. Dans un haut taillis, près d'une grande parcelle de sapins. En localisant d'où provenait cette fumée, nous sommes arrivés par un sentier à peine visible, dans une grande clairière où se trouvaient réunis des jeunes gens de notre âge, que nous n'avions jamais vu. C'était bien un maquis, qui d'ailleurs ne semblait pas encore armé à l'époque. Nous nous sommes présentés, et avons proposé gratuitement du ravitaillement à ces camarades réfractaires. Ils ont refusés en nous disant qu'ils avaient tout ce qu'il fallait, et n'avaient besoin de rien. Ces maquisarts venaient d'être victimes d'un incendie. C'est la raison qui explique la fumée qui nous a conduite à eux. Ils vivaient sous terre, ayant creusé une tranchée souterraine qui se prolongeait très loin. Le camp était aménagé dans ce trou, véritable terrier qui aurait pu abriter une centaine de fauves.
La terre sortie de cet ouvrage, formait une petite colline que recouvrait vaguement les branchages des arbres. Du ciel, un avion n'aurait pas pu distinguer ce monticule. A l'entrée de la galerie, une petite croix de Lorraine en bois, ressemblant à une quille, était accrochée à un piquet avec deux ficelles. J'ai supposé que matin et soir, ces jeunes présentaient les honneurs à la croix de Lorraine en guise de drapeau, comme on monte et abaisse les couleurs dans l'armée.
J'ai trouvé cela sectaire et fanatique. Après avoir fait connaissance, j'ai proposé, comme nous étions voisins en somme, de nous revoir souvent. Celui qui semblait être leur chef, m'a répondu qu'il valait mieux ne plus revenir. J'ai été étonné, et lui ai assuré de garder le secret et que notre maison leur était ouverte en cas de besoin. Malgré cela, il m'a été demandé et fermement cette fois, de ne plus avoir de contact, car les chefs supérieurs nous considéraient comme suspects. Quel coup ! Suspects, nous les premiers réfractaires de la région! Il n'y avait rien a répondre, mais j'étais sidéré. Evidement les responsables directs, étaient du coin, je l'ai su plus tard. Quelques paysans ambitieux, dont 2 sur 3 ayant été réformés pour le service militaire, trouvaient là, une occasion de se rendre intéressants en jouant aux héros. Comme nous étions les plus pauvres de ma commune et par nos idées, considérés comme des "partageux", ces bons Français ne voulaient pas se mélanger avec les "macaronis". Surtout, ils ne voulaient pas courir le risque d'avoir des ennuis avec l'ordre établi. Pour eux, la résistance servait leurs ambitions et allait leur donner des avantages, mais Londres était loin, et ils vivaient à l'heure du gouvernement de Vichy. Alors pas de compromissions avec les jeunes turbulents qui avaient en plus une mauvaise réputation.
Nous en restâmes donc là, de nos relations, et n'avons plus eu de contact, gardant jalousement pour nous ce secret, afin qu'aucun bavard puisse mettre en danger leur sécurité. A cette époque, il fallait se méfier de tout le monde, et une dénonciation était toujours à craindre.



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